Ils ont (tous) quelque chose de la femme de Loth

Article : Ils ont (tous) quelque chose de la femme de Loth
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3 juin 2020

Ils ont (tous) quelque chose de la femme de Loth

Quand le non-respect de la distanciation sociale devient la norme, il urge de tirer la sonnette d’alarme. D’une façon ou d’une autre. Même s’il faut faire prendre conscience aux habitants (durs d’oreille, c’est un euphémisme) par le biais d’histoires bibliques ou de contes populaires, autant le faire dans les grandes largeurs. Pourvu que le message passe.

N’est pas chrétien qui veut, mais qu’il me soit permis de commencer ce billet par le Livre de la Genèse 19 verset 23-26 : ‘Alors l’Éternel fit tomber sur Sodome et sur Gomorrhe une pluie de soufre enflammé par un feu qui venait du ciel, de l’Éternel.Il fit venir une catastrophe sur ces villes (Sodome et de Gomorrhe, sic) ainsi que sur toute la région. Toute la population de ces villes périt ainsi que la végétation. La femme de Loth regarda derrière elle et fut changée en une statue de sel’’.

Il m’a pris l’envie de faire le choix de ce passage biblique qui illustre – de fort belle manière – ce qu’il peut en coûter de ne point traduire dans les faits les gestes requis. Car, en vérité, je vous le dis (métaphore biblique oblige), je me permets d’évoquer l’histoire de la femme de Loth, non pas pour donner dans l’évangélisation et la conquête des âmes pour le Seigneur, mais parce qu’il y a lieu de se plaindre de la façon dont, horresco referens, les habitants de mon quartier appliquent les gestes barrières devant protéger de la Covid-19.

Distanciation sociale foulée aux pieds

Entre nous soit dit, ceci n’est pas être un prêchi-prêcha comme on peut en écouter tant ici ou là. Un sermon serait également beaucoup dire. Parlons plutôt de remarque qui aspire à remonter les bretelles à des concitoyens à qui on doit continuellement rappeler que le mal lié à la Covid-19 existe bel et bien.

« Mais alors, à quoi bon ce parallèle ? Il est tiré par les cheveux ! », pesteront peut-être certains. Je le leur concède. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, je crains que le non-respect des gestes barrières ne débouche sur des effets plus dévastateurs et aussi préjudiciables que la fin de la femme de Loth. À Dieu ne plaise. Je crains tout de même que les contrevenants ne deviennent, non pas des statues de sel, ainsi que le fut la femme de Loth, mais en sources de contamination et pour eux-mêmes et pour la société où ils ont élu domicile. C’est un fait : le respect de la distanciation sociale dans mon quartier n’est pas pour tout de suite, las. Depuis la mi-mai, le constat fait par les autorités sanitaires n’était pas pour rassurer. Et dans beaucoup de quartiers de la capitale togolaises, bien des habitants n’ont que faire des gestes salvateurs.

Gestes barrières, un impératif !

Je sais : la femme de Loth, c’est la femme de Loth, les habitants de mon quartier sont les habitants de mon quartier. Je sais mieux que quiconque que les drames des uns ne sauraient être évalués à l’aune de celui des autres. Et la défense faite à la femme de Loth ses hôtes (deux anges) de regarder derrière alors que Sodome et de Gomorrhe allait être consumés n’est en rien comparable à celle communiquée par les autorités afin d’un tant soit peu juguler ce mal qui continue de répandre sa terreur. D’accord. À Loth les anges ont interdit de ne pas se retourner. À nous autres, on interdit de ne point de toucher le visage, etc.

Il n’est point ici question de verser dans la psychose, que non, mais un interdit n’en demeure pas moins un interdit. A nous autres, citoyens du vingt et unième siècle pris de court par une pandémie, on demande juste de nous laver les mains très régulièrement (avec de l’eau et du savon, ou du gel hydroalcoolique), de tousser ou éternuer dans notre coude ou dans un mouchoir, de rester toujours à plus d’un mètre les uns des autres, d’utiliser un mouchoir à usage unique et le jeter après usage, de saluer sans se serrer la main, d’arrêter les embrassades, d’éviter de nous toucher le visage en particulier le nez et la bouche, de porter un masque quand la distance d’un mètre ne peut pas être respectée. Bref, de se protéger et de protéger les autres. Quoi de plus simple ? C’est à se demander si les gens ont réellement pris conscience de la gravité de la situation.

La carte du mépris jouée à Kodjoviakopé

À Kodjoviakopé, le quartier où je réside par intermittence, et qui est situé à l’ouest du centre-ville de Lomé (capitale du Togo), jeunes, vieux et adultes ont fait de la distanciation sociale le puîné de leurs soucis. Si certains essaient d’appliquer les gestes barrières, d’autres, ils sont nombreux, circulent à la va comme je te pousse. J’en ai vu qui marchaient bras dessus bras dessous. Ils circulent le visage à découvert, se rendent chez leurs voisins, eux-mêmes peu adeptes de ces gestes salvateurs. Les accolades, rassemblements et autres serrages de mains vont leur train. Il n’y a plus qu’à tirer l’échelle après eux.

Ne pas respecter les gestes barrières, c’est faire peu ou prou comme la femme de Loth, mutatis mutandis. On ne le dira jamais assez. On pourra évoquer La Barbe bleue, ce conte populaire où la femme du héros éponyme enfreint l’interdit qui lui est fait de jamais pénétrer dans un cabinet. Curieuse, notre dame entre dans la pièce et y découvre tous les corps des précédentes épouses du sieur Barbe bleue, accrochés au mur. Effrayée, elle laisse tomber la clef, qui se tache de sang. Elle essaye d’effacer la tache, mais le sang ne disparaît pas car la clef est magique. Je pourrai passer des heures et des heures à énumérer des exemples du genre…

On voit bien que braver les interdits est cause de grands maux. Je pourrais même continuer de citer force histoires où il ne fait pas bon braver les interdits, mais je crains que nos Caton contemporains ne me traitent de cuistre adepte du name-dropping. Aussi vais-je m’arrêter ici, en espérant que les choses aillent dans le bon sens. Je ne demande pas mieux que de voir chacun lutter de la plus rigoureuse des manières contre cette Covid-19.

Kossivirtus

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