« Pourquoi pas moi » : quand le rappeur togolais KanAa dit halte au suicide

Article : « Pourquoi pas moi » : quand le rappeur togolais KanAa dit halte au suicide
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18 octobre 2020

« Pourquoi pas moi » : quand le rappeur togolais KanAa dit halte au suicide

Les difficultés de la vie, quelles qu’elles soient, ne doivent pas pousser les jeunes, encore moins les vivants de tous âges, à commettre l’irréparable. « Pourquoi pas moi », le nouveau clip du rappeur togolais KanAa, officiellement sorti le 11 octobre, nous le montre à suffisance. Plus qu’une dénonciation du suicide, cette nouvelle vidéo, à tout le moins thérapeutique, se veut une invitation à la vie. Je nous invite à la regarder. Et à la faire tourner. Ça sauvera des vies.

17 octobre 2020. Je venais de finir, aux environs de 17 heures, deux des trois papiers à rendre le lendemain à un journal de la place. Il m’en restait donc un. Ne me sentant plus la force de continuer, j’ai alors décidé de me récréer par quelques vidéos. Quand je suis au bout du rouleau, que l’inspiration fait sa diva, je n’hésite pas à faire ma pâture des musiques à écouter. Histoire de reprendre des forces. Et des musiques, j’en avais de téléchargées. A la pelle. Mais pas encore écoutées.

Aussi, je fais irruption dans mon dossier Musique. Essaie de faire un choix. Puis m’arrête, comme interdit : comment faire le tri face à une plage musicale plus bondée de tubes que la plage de l’hôtel de la Paix n’est encombrée de monde un 1er mai par temps d’avant Covid ? « Allons donc ! Pas tant de difficulté ! Parons au plus pressé », me suis-je dit. Car cela faisait tout de même une semaine que le clip « Pourquoi pas moi » de KanAa était sorti. Le mettre plus longtemps dans les starting-blocks, c’en était trop.

Scénario un brin tragique

Avec la rage du mélomane qui ne veut pas être largué par l’actualité musicale, j’ai donc lancé la lecture. Mais à la seconde même où je l’ai lancée, j’y ai mis une pause. Autant vous le dire tout de suite : à en juger par son pré-découpage, ‘’Pourquoi pas moi’’ m’annonçait quelque drame, quelque suicide. Témoin le nœud coulant qui n’attendait qu’une tête d’homme pour bien fonctionner. L’artiste ne nous avait-il pas prévenus quatre jours plus tôt  sur sa page Facebook ? Il n’empêche que le goût du tragique qui opérait en moi me poussa à continuer.

Je vois l’artiste qui s’avance, titubant, comme dépité de la vie. Dépité, il ne l’était que trop, en effet. Quelques secondes lui ont suffi pour passer à l’irréparable acte qu’on nomme le suicide. Mais après avoir visualisé la vidéo en entier, je n’ai pas été déçu. Je dirais même plus : ce clip mérite le détour.

L’autre KanAa, un anti-Dréyfus ?

La seule objection que je puisse faire sur le moment est que KanAa m’a servi une autre version du film « J’Accuse », du désormais controversé réalisateur Roman Polanski (ceci soit dit sans choquer les féministes). Avec bien des différences. Si le Dreyfus polanskien a tenu bon à l’île du Diable et n’a accepté sa grâce que pour se battre aussitôt, le Dreyfus togolais (qui n’est que la pâle copie de l’artiste lui-même), lui, a décidé de se mettre la corde au cou.

Non, notre Dreyfus togolais est trop déboussolé pour reprendre du poil de la bête. S’il était au moins condamné à mort comme ce petit capitaine juif innocent contre qui une moitié de la France d’alors hurlait sa haine (pour reprendre la rhétorique béachélienne) ! Mais non, le Dreyfus togolais était dégoûté de la vie. De sa vie. Il n’accuse pas. Il s’accuse lui-même. Et se tue.

Il n’y aura donc pas d’Affaire Dreyfus, puisqu’il n’y a pas eu de combat. Enfin, pas le vrai. Il n’y aura pas davantage le si célèbre « J’accuse… ! », mais un « Je m’accuse… ! », un sentiment de culpabilité qui aura poussé le moi de l’artiste à faire le fatal saut.

Une invitation à la vie

KanAa est décidément un artiste qui s’attache à faire passer des messages d’espoir dans ses sons et vidéos, à inviter à la persévérance, au courage. Au combat contre soi-même surtout. Il nous exhorte au dépassement de soi, nous appelle à nous vaincre nous-même. La toute fin du clip ne nous le martèle-t-il pas assez : « Ton plus grand combat est celui que tu mènes contre toi-même » ?

On a donc des raisons de ne pas jeter le manche après la cognée. Car « ceux qui l’ont fait, n’ont pas deux têtes ». Autre message d’espoir d’un artiste qui « veut faire des hits comme Masta », qui « frappe comme Nadal », et qui « les finit en deux set ». Cet égotrip de bonne guerre n’est rien moins qu’une invitation à la vie.

KanAa dit non au suicide

La séquence qui aura retenu l’attention est le moment où l’artiste se livre à un combat contre un autre lui-même. Un combat qui a pour théâtre un jeu de dames où la partie est des plus serrées. C’est une façon à lui d’inciter au courage une jeunesse de plus en plus fragile, une société qui, pour un oui, pour un non, se laisse gagner par l’abattement. Au point de vouloir cocher la case du suicide.

Le suicide est devenu monnaie courante sous nos cieux. On en dénombre des dizaines chaque année. Le 9 août dernier, le souvenir du suicide d’un individu dans la retenue d’eau du carrefour 2 lions à Agoè, reste encore vif dans les mémoires. Cinq jours plus tard, un jeune de la trentaine habitant le quartier Adidogomé, mettra fin à sa vie. On ne passera pas sous silence la tragique fin du jeune garçon, élève dans une école privée, qui s’est suicidé après avoir su qu’il avait échoué au BAC1.  Le dégoût que les jeunes ont de la vie n’en est que plus réel. Mais est-ce là le meilleur moyen d’affronter sa vie ? Si KanAa a « gagné 4 trophées, pourquoi pas toi ? »

Kossivirtus

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Commentaires

Venunye
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Je suis sans voix devant une telle vision de la vidéo. Merci pour ce review. Je n'ai sincèrement rien à rajouter.

Kossivirtus
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Je t'en prie fofo. Droit au coeur.

Pierre Lejeune
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Très bien écrit

Kossivirtus
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Merci, cher ami !