Mory Kanté, Yéké yéké et moi

Article : Mory Kanté, Yéké yéké et moi
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24 mai 2020

Mory Kanté, Yéké yéké et moi

Mory Kanté s’en est allé. La nouvelle de la disparition, le 22 mai dernier, du chanteur guinéen à Conakry, à l’âge de 70 ans, en a attristé plus d’un. Et ce, au-delà de la sphère musicale. J’en suis d’autant plus encore attristé que l’artiste avait rythmé mon adolescence avec sa chanson Yéké yéké, bien qu’alors il me fût un parfait inconnu.

Comme la nouvelle de la mort à Melun (Seine-et-Marne, France) du célébrissime saxophoniste et chanteur camerounais de world jazz Manu Dibango le 24 mars dernier, difficile d’avaler une si amère pilule que celle de la mort de Mory Kanté. Je n’en peux plus. C’est dire si l’Afrique continue de voir s’effriter sinon sa richesse culturelle tout entière – à Dieu ne plaise ! –, du moins ses enfants qui ont jusque-là rehaussé ce qu’elle possède de talent, de grandeur. De culture aussi. Car en fait de culture, l’Afrique peut rengorger, sans pour cela avoir l’air d’une pimbêche.

À l’annonce donc de la mort du digne chanteur guinéen, j’ai été comme frappé d’une soudaine réminiscence. Réminiscence de ce qu’était pour l’adolescent de 15 ans que j’ai été le toujours indémodable Yéké yéké de celui qu’on appelait, non sans raison, le « Griot électrique ». Réminiscence de la place, Dieu sait si elle fut importante, qu’avait occupée l’unique chanson que je connaissais du richissime répertoire de l’artiste. Réminiscence du refrain de ce tube culte que j’avais alors à la bouche. Sans savoir pourquoi.

C’est une bien mauvaise nouvelle pour moi et mes camarades de jeunesse (dont j’ignore si par les temps qui courent ils se souviendront encore de l’homme), de savoir que celui qui en est l’auteur est passé de vie à trépas. Ado, j’ignorais littéralement de quoi pouvait être le nom le genre de musique que Mory Kanté professait.

De mon enfance à aujourd’hui

Ado, peu m’importait de savoir ce que c’était que la pop, l’afrobeat et autres musiques du même acabit. Si j’écoutais des chansons, encore était-ce aléatoirement, je n’en connaissais pas plus les paroles que les noms des artistes eux-mêmes. Ce qui ne m’empêchait pas de me pâmer d’admiration et de béatitude, chaque fois que Yéké yéké passait à la radio. Dès qu’elle résonnait en effet, on n’était plus soi-même. Je n’étais plus moi-même. Car Yéké yéké dans les années 2000 était tout ce qu’il y avait de plus mélodique pour nous autres qui, à chaque fois qu’on l’entendait, mettions un terme à nos jeux, histoire de la savourer autant que faire se peut, avant de reprendre nos « occupations ».

Le refrain était plus qu’entraînant : difficile de ne pas dodeliner de la tête, difficile de ne pas pousser la chansonnette sans vraiment y prendre garde. Ce qui nous importait à nous, c’était la mélodie, le son et le tempo. Rien d’autre.

« Je t’ai trouvé, tu es ma superstar, le numéro 1 dans mon cœur. Si tu ne m’embrasses pas maintenant, c’est un péché ; hé toi, je suis fou de toi ; hé toi, tu as un si joli visage, tu es mon super prince, je suis ta princesse, tu es mon premier amour, tu es juste ce que je voulais, je t’aime, hé toi Yéké yéké… » Ce sont là (en substance) les paroles de la fameuse mélodie. Tiens, c’est donc une chanson d’amour ! Que ne donnerais-je pour revivre cette époque dorée ! Dire que ce n’est que tardivement que j’en ai connu les paroles ! Si je l’avais su enfant, quelle tendresse cela m’aurait davantage refilé !

Mory Kanté l’éternel

Apprendre aujourd’hui que cette voix s’est tue pour de vrai, ne peut que me frustrer. La seule consolation qu’il me reste est que ses œuvres sont restées après lui. Tant il est vrai qu’un artiste ne meurt jamais. Il m’est plus que jamais loisible de m’offrir ce Yéké yéké à bouche que veux-tu.

On n’oublie pour autant pas que Mory Kanté, c’est des distinctions à la pelle : le Trophée de la « Voix d’or » qu’il reçut en 1976 au Nigéria, le « Griot d’Or » en 1994, le Grand Prix des musiques du monde par la Sacem…  On n’oublie pas non plus qu’en 2001, Mory Kanté a été nommé Ambassadeur de bonne volonté de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)2, organisation spécialisée du système des Nations unies, créée en 1945 à Québec (Canada) et dont l’objectif est de « construire un monde libéré de la faim ». L’artiste reste dans nos cœurs. Dans mon cœur. Vive l’artiste.

Kossivirtus

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Commentaires

Amevo
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C'est un suave texte.

Kossivirtus
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Merci mon cher ami !