La cancel culture, stop ou encore ?

Article : La cancel culture, stop ou encore ?
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3 octobre 2020

La cancel culture, stop ou encore ?

On a beau dire, plus on cultive le boycott des polémistes, plus ces derniers tournent cette stratégie à leur avantage. Les associations antiracistes doivent essayer de coordonner leurs actions, en agissant autrement que par une méthode qui n’a jamais payé : la cancel culture.

La condamnation pour haine raciale, ça le connaît. Les amendes aussi. Éric Zemmour, pour ne pas le nommer, a toujours fait dans la provocation. La haine raciale. C’est son dada. Provoquer. Provoquer. À s’en rendre infréquentable. À en puer. Provoquer indignation et colère. Jusqu’à n’en plus pouvoir. C’est tout Zemmour.

Si la polémique était une discipline, l’auteur du Suicide Français (Albin Michel) en serait le recordman incontesté. Et incontestable. Tant il collectionne les dires abjects, comme d’autres les objets antiques.

Il suffit que ‘’Z comme Zemmour’’ se pose journalistiquement, et le voilà qui fait de son allure provocateur une seconde nature. Celle-ci arrive au galop, chaque fois qu’il fait son entrée chez Cnews ou dans les colonnes du Figaro. Éric Zemmour par-ci, Éric Zemmour par-là. Il n’est bruit que de cet éditorialiste doublé d’essayiste prêt à tout pour narguer la bien-pensance. L’extrême droite doit n’en avoir que pour lui, tant il fait ses affaires. Noir, Arabe, tout est bon pour faire le buzz sur les réseaux sociaux. Qui le lui rendent bien…

La provocation zemmourienne, un fonds de commerce ?

Nous n’allons pas revenir ici sur les propos controversés que l’homme a tenus le 6 mars 2010 sur les « Noirs et les Arabes », dans l’émission de Thierry Ardisson « Salut les terriens », diffusée sur Canal+, où il disait ceci, en substance : « Mais pourquoi on est contrôlé 17 fois ? Pourquoi ? Parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est comme ça, c’est un fait. »

C’était plus que n’en pouvait supporter la 17e chambre du tribunal correctionnel, qui n’a pas hésité à condamner le journaliste à 1.000 euros d’amende avec sursis. Nous n’allons pas davantage revenir sur d’autres propos — tout aussi condamnables — tenus lors de l’émission « C à vous » du 6 septembre 2016 sur France 5, où Zemmour tenait pour lui qu’il fallait donner aux musulmans « le choix entre l’islam et la France ». La Cour d’appel avait dans la foulée estimé que ce passage visait « les Musulmans dans leur globalité et [contenait] une exhortation implicite à la discrimination ». Verdict : 3 000 euros d’amende pour provocation à la haine religieuse.

Mais ces amendes semblent glisser sur cet homme bien décidé à ne pas s’arrêter en si bon chemin, lui qui ne s’était guère embarrassé de pudeur et d’élégance pour asséner à la digne Hapsatou Sy, chroniqueuse de son état, que sa mère avait eu tort de l’appeler ainsi, et que Corinne lui irait très bien. Vous pouvez juger de la violence du propos, mais que voulez-vous…

Ce ne sera pas le discours tenu lors de la convention de la droite en septembre 2019 – qui aura là encore valu à son auteur une condamnation à 10 000 euros d’amende — qui le fera changer d’avis. Non, la provocation a si bon goût pour cet homme qui a dû comprendre qu’il pourrait en faire un fonds de commerce. Les chiffres lui ont d’ailleurs donné raison : plus Zemmour est condamné, plus sa popularité ne s’en porte que mieux. En plus, depuis son arrivée sur CNews, cette chaîne d’info a vu son audience doubler en un an, à 1,5% de part d’audience. Allez savoir.

Du plomb dans l’aile de la « cancel culture » ?

Loin de nous d’être Zemmourlâtre, mais le Zemmour-bashing semble ne pas porter ses fruits, malgré la « cancel culture » qu’on n’a de cesse de brandir contre l’intéressé. Ça semble avoir un effet pervers, c’est le cas de le dire. Cet appel au boycott qu’on nomme la cancel culture (autrement dit la « culture de l’annulation », pratique qui a le vent en poupe sur les réseaux sociaux), et qui consiste à dénoncer, boycotter voire tenter de détruire la réputation des célébrités et des marques pour leurs propos ou actions jugés offensants, donne la fâcheuse impression d’avoir du plomb dans l’aile.

Et même si Jean-Paul Guerlain en a fait les frais pour ce qui est de ses propos tenus sur les « nègres« , les personnes aux propos équivoques et désobligeants ne sont pas toujours boycottés. Et rien ne dit que qu’une J.K. Rowling (l’auteure de la série à succès Harry Potter) verra sa popularité chuter parce qu’elle a donné son avis sur quelque sujet délicat à grand renfort de tweets et de propos jugés transphobes. Si certains militants en ont appelé depuis lors à sa mise au ban, Hedwige Pasquet, la présidente de Gallimard jeunesse, soutient la créatrice de Harry Potter dont elle publie L’Ickabog, le nouveau roman jeunesse, le 12 novembre. Elle dit défendre non seulement « l’œuvre de J. K. Rowling, mais aussi sa liberté d’expression« . Rien ne dit pas non plus qu’une Scarlett Johansson sera boycottée parce qu’elle avait défendu publiquement Woody Allen.

S’y prendre autrement

Entre nous soit dit, cette cancel culture n’a jamais été la bonne solution, quand on sait qu’elle génère plus de réactions hostiles et autres propos teintés de haine sur les plateformes numériques, qu’elle n’a abouti qu’à un vivre-ensemble à ce jour toujours hors de portée des uns comme des autres.

Que l’on se comprenne, ceci n’est pas une façon de faire le panégyrique de Zemmour qui cumule des propos qui sentent leur racisme, ou d’une autre personne du même acabit. Encore moins les dédouaner. Mais à y regarder d’un peu plus près, l’appel au boycott des associations antiracistes et autres politiques comme arme dissuasive ne fera que conforter des personnalités sulfureuses comme Zemmour dans leurs convictions.

N’en jetez plus ! La haine n’a jamais éradiqué la haine, c’est un fait. Charge aux associations antiracistes de s’y prendre autrement.

#Kossivirtus

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