S’engager ou ne pas s’engager, telle est la question !

Article : S’engager ou ne pas s’engager, telle est la question !
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26 septembre 2020

S’engager ou ne pas s’engager, telle est la question !

On les entend beaucoup moins que les remous suscités par certains dirigeants africains contaminés par le virus du troisième mandat. On les entend peu, certes, mais leur parole passe les frontières. Et constitue rien moins qu’une puce à l’oreille pour les tyranneaux. Ils sont devenus des artistes qu’il faut faire taire. Sans coup férir. Et vite. Des artistes à abattre. Si besoin. Passez muscade.

La figure du reggae guinéen, Tankana Zion, l’a plus d’une fois appris à ses dépens, à chaque fois qu’il participe à une marche contre l’éventualité d’un troisième mandat d’Alpha Condé à la tête du pays. Comme en juillet 2017, l’artiste a encore récemment fait l’objet d’un mandat d’arrêt après son intervention dans l’émission les Grandes Gueules, où il a réitéré son opposition à un 3ème mandat du Pr Alpha Condé.

Il n’est pas plus tôt rentré que deux policiers de la direction de la police judiciaire sont venus chez lui et lui ont présenté une convocation, si l’on en croit l’artiste lui-même, Mohamed Mouctar Soumah à l’état civil. Ce dernier dit qu’on lui reprochait d’avoir « agresséphysiquement quelqu’un et volé ». « Ce qui est totalement faux, a-t-il protesté. « Je leur ai demandé qui est-ce que j’ai agressé. Ils m’ont dit ‘non tu n’as pas besoin de savoir, il faut juste te rendre dans notre bureau’. J’ai compris par là qu’ils veulent m’amener, me ridiculiser et me brutaliser ».

Acharnement

La ficelle est trop grosse pour ne pas déceler derrière cet acharnement contre la personne du chanteur guinéen l’envie des sbires d’Alpha Condé de lui faire sa fête. Pas folle la guêpe, Tankana a échappé à l’arrestation. Depuis, il a pris le chemin de l’exil, d’où il continue de réitérer ses opinions et convictions. « Je ne suis pas le seul parce qu’il y en a d’autres qui ont été enlevés et ont fait des mois sans retrouver leurs familles. Ils sont capables de tout, ils ne reculent pas, ils sont prêts à faire du mal à n’importe pour le 3ème mandat », se désolait-il lorsqu’il a été joint au téléphone par Claudy Siar, l’animateur de radio et producteur de Couleurs tropicales sur RFI.

Autre pays, autre artiste engagé. En côte d’Ivoire, l’auteur-compositeur-interprète-arrangeur ivoirien Meiway a également dit non au troisième mandat du roquentin Ouattara. « Monsieur le Président on ne bâtit pas un pays sur un régime de peur… On ne bâtit pas un pays en exilant ses fils et en emprisonnant les porteurs d’idées opposées. En succombant à la tentation et à l’éternité politiques, vous risquez de faire sombrer la Côte d’Ivoire dans un chaos que nous croyions éloigné à jamais », a mis en garde l’artiste. Son compatriote et artiste chanteur Christy ne s’est pas non plus fait faute d’afficher ouvertement sa désapprobation à cette méphitique décision.

Du chemin à parcourir

On sait ce qu’il en coûte de s’opposer aux manitous dirigeants africains. Mais quand on est artiste, vogue la galère ! Alors, l’artiste doit-il s’engager ? La question est plus que jamais d’actualité sur un continent où des artistes laissent souvent le côté blingbling du showbiz prendre le pas sur leur vrai rôle dans la société. Se taire pour un artiste, c’est collaborer. Et collaborer avec le dictateur est encore plus suicidaire, l’artiste étant avant tout appelé à faire siennes les aspirations des peuples.

C’est donc limite ignoble que de voir un artiste passer sous pavillon d’un potentiel brigueur de mandat de trop pour quelques millions. L’histoire retiendra qu’il s’est rangé du côté de l’oppresseur, tôt ou tard. Qui mieux est, les présidents sauraient à quoi s’en tenir si des artistes font de la dénonciation du viol de la constitution leur leitmotiv. S’opposer à ses risques et périls à un abus de pouvoir, voilà le rôle de l’artiste. Sur ce plan, plus d’un artiste africain a du chemin à faire. Mais qui peut prétendre être artiste sans prendre position ?

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